Olivier Prévôt

Itinéraires d'un photographe: Olivier Prévôt

Photographe

J'ai abordé la photographie passé l'âge de quarante ans.

Je ne sais pas exactement d'où est surgie cette nécessité: entre émotion esthétique, voire érotique, et convocation politique, le Moyen-Orient s’est imposé à moi comme un lieu obligatoire. J’y suis allé, j’y vais encore de manière récurrente, obsessionnelle. De l’Irak au Koweït, des camps palestiniens de Jordanie aux dockers du port de Dubaï, des banlieues syriennes à celle des petites villes kurdes de Turquie ou du Liban, je tente de comprendre autant ce qui s’y passe que ce qui m’y pousse. Comme dans le film éponyme de Joana Hadjithomas, « je veux voir ».

Plus photographe en voyage que de voyages, je m’efforce de gommer tout pittoresque excessif, et toute convocation de l’exotisme – celui-ci pouvant toutefois surgir ou s‘insinuer dans ce que je donne à voir, la photographie de reportage oscillant toujours entre une maîtrise tentée et un réel rebelle, un art de la défaite.

Je n’aime pas beaucoup les turbans obligatoires, préférant de loin un maillot de foot sur un corps adolescent à l’abandon, ni l’ocre parfait des bâtiments historiques quand un mur de parpaings inégalement ravalé me raconte tant d’histoires.

J’ai quelques obsessions. Je les propose comme possibilités de rencontre entre le spectateur et les pays que je parcours, et comme une subjectivité qui autorise celle des autres.

Il y a bien sûr les garçons, leurs visages, la manière tout à eux d’occuper l’espace, et probablement surtout, d’être occupé par lui.

Il y a aussi les lieux publics – parcs, stades, monuments divers, rues. J’aime les signes exténués du collectif, du politique, de l’administré, ce qu’ils imposent de vide autour d’eux, de significations obligatoires et partiellement vaines, mais aussi ce qu’ils semblent proposer malgré eux d’intime, de fortuit, de clandestin.

Il y a enfin ce « territoire temporel » qui fut celui de mon enfance – un quartier bâti dans les années 60-70 d’une petite ville de Picardie, fait de bâtiments de taille moyenne, à l’architecture sage et fonctionnelle, proposant une vie sans histoire – et que je retrouve paradoxalement partout où je vais au Moyen-Orient – un univers désormais vieilli, usé, en sursis, témoin sec de nos abdications, de nos défaites, et où, en Orient comme en Europe,

nous nous sommes tant aimés.

Olivier Prévôt, le 18 août 2010

Projet de préambule à un site internet de photographies